Wagner est présent de différentes manières dans les pays du continent. Celles-ci vont de la simple implantation d’une succursale d’une des sociétés du groupe, comme à Douala au Cameroun, à l’infiltration massive de l’appareil étatique constatée en République centrafricaine.
Présence africaine
La présence de Wagner en Afrique remplit plusieurs fonctions : une présence militaire qui vise avant tout à assurer la sécurité des puissances africaines en place ; des activités lucratives axées principalement sur l’exploitation minière ; campagnes de propagande contre les pays occidentaux ; et un renforcement géopolitique de la Russie qui s’est avéré très utile lors de son agression contre l’Ukraine.
En Libye, les troupes de Wagner travaillent aux côtés du général Haftar pour aider à contrôler les champs pétrolifères de Cyrénaïque. Au Soudan, ils exploitent des mines d’or à travers les sociétés M Finance, M Invest et Meroe Gold avec la complicité d’Hemidti, chef des Rapid Support Forces en guerre avec son ancien allié le général Burhan.
Au Mali, le colonel Assimi Goïta, en exigeant le départ de la mission onusienne Minusma, ne fait que renforcer sa dépendance à Wagner. D’autant que la junte peine à lui verser la somme mensuelle de dix millions de dollars. Cette fragilité financière s’avère être une aubaine dont la société d’Evgueni Prigojine s’empare pour étendre son pouvoir politique et économique sur le pays. Les conséquences ont été désastreuses pour la population, avec une recrudescence de la violence. Le massacre de près de 500 personnes dans la ville de Moura, perpétré par l’armée malienne et des mercenaires russes, en est une terrible illustration.
Violence et prédation
Ces violations des droits humains se sont amplifiées en République centrafricaine. Le récent rapport de Sentry, une ONG qui lutte contre la prédation dans les pays déchirés par la guerre, révèle une violence systémique contre la population par les troupes Prigojine accompagnant les forces armées centrafricaines. Sous prétexte de combattre les rebelles, ces mercenaires s’emparent de l’essentiel des richesses du pays, en échange de la protection du président centrafricain Faustin-Archange Touadéra. Des villages sont rayés de la carte pour que les différentes sociétés liées au groupe Wagner puissent exploiter les mines de diamants et d’or et couper les bois précieux. Leur mainmise sur le pays est telle qu’ils contrôlent désormais également les douanes et l’aéroport de Bangui, ce qui leur permet de récupérer une grande partie des taxes sur les marchandises importées.
Assurer la continuité
Lors de la tentative de putsch de Prigozhin, le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a rassuré à plusieurs reprises ses homologues africains que rien ne changerait. Cependant, l’avenir reste incertain et plusieurs options sont possibles.
Le Kremlin est en mesure d’intégrer Wagner et ses sociétés apparentées dans l’État, quitte à arrêter certains de leurs dirigeants, comme cela semble être le cas en Syrie. Alors les autorités russes ne pourront plus se cacher derrière leur avatar et s’absoudre des crimes qu’elles ont commis. Une autre possibilité serait de créer une autre société militaire privée comme le groupe de mercenaires Patriot lié au ministre de la Défense Sergueï Choïgou.
Enfin, certaines ou toutes les forces de Wagner sur le terrain pourraient refuser de passer sous l’autorité du Kremlin, en restant fidèles à Prigozhin ou en poursuivant leurs activités pour leur propre compte. Cela fragmenterait les troupes de Wagner. L’effondrement des États au Soudan et en République centrafricaine pourrait favoriser cette hypothèse, entraînant une exacerbation des violences contre la population.
Le putsch raté de Prigojine a terni l’image d’autorité, de force et de virilité véhiculée par la propagande de Poutine, qui semblait séduire certains en Afrique, qui voyaient en lui un modèle pour leur pays. Au lieu d’un modèle, ce qu’ils ont devant eux, c’est une dictature isolée, des trahisons, un putsch, des meurtres, des brigands en lice pour le pouvoir, bref un air de déjà vu sur le continent.
6 juillet 2023
Traduit par Point de vue international depuis l’Anticapitaliste.
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