Eddie K. Robinson, membre du SAG-AFTRA (à titre personnel)
Ce n’est un secret pour personne : la vie d’un acteur en activité peut être difficile. Sur les plus de 160 000 membres qui composent la SAG-AFTRA, la grande majorité a constamment du mal à joindre les deux bouts, à payer ses factures, à payer son loyer toujours croissant et à prendre soin de sa famille, uniquement grâce à son travail artistique.
Malgré les grands noms que nous connaissons tous, la plupart des acteurs sont entre deux concerts, sans aucun moyen réel de savoir où se situera leur prochain travail à l’horizon. En tant que membre de la SAG-AFTRA depuis 2012, ma vie artistique a été remplie d’expériences et d’opportunités incroyablement gratifiantes, mais aussi d’autant d’épreuves et de sacrifices. De nombreux acteurs doivent assumer plusieurs emplois afin de « rester dans le jeu », dans l’espoir que nos sacrifices seront récompensés et valorisés par une industrie qui, depuis trop longtemps, traite les acteurs de base comme une ressource jetable. Et c’est au cœur de la raison pour laquelle les acteurs sont en grève depuis 109 jours, à compter d’Halloween, le 31 octobre 2023.
Le combat et les frustrations jusqu’à présent
Depuis des mois, les acteurs font grève contre l’AMPTP, l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision. L’avidité insatiable des producteurs, dirigeants et services de streaming hollywoodiens tels que Netflix, Disney, Warner Bros. Discovery a provoqué un arrêt de travail historique qui a mis fin à presque toutes les productions cinématographiques et télévisuelles en Amérique du Nord. À un moment donné, les acteurs et les écrivains de la Writers Guild of America étaient en jeu ensemble – fermant complètement Hollywood et remportant aux écrivains un contrat historique.
La lutte des acteurs a consisté principalement à obtenir des augmentations de nos salaires de base et à remanier notre structure de rémunération résiduelle pour suivre le rythme d’une inflation écrasante, à lutter contre la montée de l’intelligence artificielle et son potentiel dystopique de remplacer les artistes de chair et de sang par des fac-similés numériques, et obtenir de meilleures conditions autour du processus d’audition et d’auto-enregistrement. Depuis le début de la pandémie, les acteurs ont dû assumer plus de travail et de responsabilités que jamais auparavant, simplement pour auditionner pour un emploi, en raison d’une grande partie de l’activité en ligne.
Et malgré les piquets de grève actuels et les publications sur les réseaux sociaux, les frustrations commencent effectivement à monter dans toute l’industrie à mesure que cette lutte se prolonge. En plus des acteurs qui se retrouvent au chômage, ce à quoi la base est souvent habituée, il existe tout un écosystème de travailleurs de l’industrie cinématographique dont la vie a été impactée par la grève. Les costumiers et maquilleurs, les accessoiristes, les chauffeurs, les cuisiniers et les artisans ont tous dû se priver du travail qu’ils espéraient avoir cette saison. Il y a même eu des rapports selon lesquels des membres de la production et des équipes de production accusaient la grève elle-même d’être responsable de leurs luttes actuelles, rejetant plutôt la faute sur les seuls patrons, là où ils appartiennent. Ce type de division entre les travailleurs va à l’encontre de la solidarité nécessaire pour mettre au pas l’AMPTP et ne fait que contribuer aux programmes capitalistes des patrons.
Certains de nos membres les plus éminents ont également tenté à tort de mettre fin à la grève. Un groupe de vedettes, dirigé par George Clooney, a naïvement tenté de sortir de l’impasse en proposant aux dirigeants de la guilde de payer davantage de cotisations et de contribuer davantage au fonds qui soutient notre assurance maladie. C’était clairement une erreur, dans la mesure où cela violerait littéralement le droit du travail, détournerait le blâme et la pression des patrons, et ne serait pas près de remporter les revendications pour lesquelles le syndicat se bat depuis des mois. Cela témoigne d’un fossé de conscience particulier entre certains de nos membres les plus « aisés » du syndicat et la base. Heureusement, la plupart des membres n’ont pas accepté cela : 3 600 membres ont signé une lettre ouverte exprimant leur solidarité et leur détermination à faire grève jusqu’à ce qu’un accord valable soit conclu. Il met également en garde contre « une minorité qui n’est pas prête à faire des sacrifices temporaires pour le bien commun, pour la base ».
Il y a également eu d’autres tentatives bâclées d’escalade, de la part des dirigeants syndicaux, concernant la manière dont les acteurs devraient célébrer Halloween. Le 20 octobre, les dirigeants syndicaux ont publié une infographie contenant des « lignes directrices sur les costumes d’Halloween » à l’intention des membres sur la ligne de piquetage et ailleurs, déclarant que les membres devraient éviter « tous les costumes qui feraient la promotion ou s’inspireraient des spectacles et/ou des films qui sont en grève. .» Il s’agit d’une tactique sans conséquence qui met en lumière la position de faiblesse de la direction syndicale.
L’heure de l’escalade est arrivée
Le temps presse pour que l’industrie sauve la saison télévisée 2023-24 et le box-office de l’été 2024 et, en raison des arrêts et des redémarrages constants des négociations, cette longue grève est devenue une bataille dont les ressources collectives s’épuisent en premier, les patrons ou les ouvriers. Le refrain souvent utilisé par les dirigeants syndicaux : « Un jour de plus, un jour plus fort », doit être remplacé par de véritables tactiques et actions d’escalade.
Il est peut-être temps de commencer à appeler au boycott de ces services de streaming. Il est peut-être temps d’en finir avec les renonciations/accords provisoires qui divisent et déroutent et qui permettent à une petite partie d’acteurs de continuer à travailler pendant que le reste d’entre nous marche sur la ligne de piquetage. Il est peut-être temps de bâtir des alliances plus larges et plus solides avec les grévistes d’autres secteurs de notre société en cette époque d’activité syndicale accrue. Mais il est grand temps de commencer à exercer une pression maximale sur les patrons et aussi, franchement, sur nos dirigeants. Les victoires remportées par la Writers Guild of America viennent de prouver que l’AMPTP peut absolument répondre à nos revendications, si nous restons clairs et fermes dans nos revendications.
« Le pouvoir ne concède rien sans une demande. Ca n’a jamais été fait et ca ne le sera jamais. » Cette célèbre citation sonne aussi vraie aujourd’hui que lorsque Frederick Douglass la disait il y a plus de 165 ans. Seules la solidarité des travailleurs de la base, l’escalade et une pression maximale sur les patrons permettront de mettre un terme à cette grève, tant attendue. Il est grand temps pour nous tous de retourner travailler en faisant ce que nous aimons et pour que les patrons reconnaissent pleinement notre valeur et notre travail. En attendant, le combat continue.
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