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Solidarité avec Ahmed Meguini

La droite au pouvoir amplifie la repression et la criminalisation des mouvements sociaux. Après José Bové incarcéré pour avoir défendu les petits paysans et une autre vision de la mondialisation, après Alain Hébert, responsable CGT, condamné à un mois de prison ferme pour s’être opposé à la fermeture de l’hôpital maritime de Cherbourg, c’est Ahmed Menguini, animateur de mouvements anti-mondialisation qui se retrouve en prison.

Nous reproduisons un des articles de l’Humanité du 28 août 2002, consacré à ce militant, après sa rencontre avec la députée communiste Muguette Jacquaint.

" Je ne suis pas un criminel, juste un militant "

, la député communiste Muguette Jacquaint a rencontré pendant deux heures Ahmed Meguini. Le jeune militant, qui a été condamné lourdement au terme d’un procès approximatif, purge sa peine en isolement. Il continue de clamer son innocence mais ne compte pas faire appel.

" Je ne ferai pas appel. C’est inutile. Dans le meilleur des cas ils ne reviendront pas sur la peine, au pire ils l’aggraveront. Je n’ai pas l’âme d’un martyr ", lâche Ahmed Meguini.

C’est un jeune homme brun, mince, presque fluet, qui a pris place dans le parloir de la maison d’arrêt de Strasbourg. Assise face à lui, la députée communiste Muguette Jacquaint l’écoute et prend des notes. En deux heures de rencontre elle va noircir des pages et des pages. En isolement depuis un mois, Ahmed a des choses à dire, à hurler. Muguette Jacquaint est la première personne " de l’extérieur " qu’il rencontre mis à part " l’avocat et une fois une aumônier ". Quand il débouche du long couloir qui mène au parloir, et que son regard se pose pour la première fois sur la députée, c’est de l’incrédulité que Muguette Jacquaint lit dans ses yeux. " L’isolé ", comme l’appelle le personnel pénitentiaire n’était pas au courant qu’il recevait cette visite. " On ne m’a rien expliqué, on m’a juste dit que j’avais un parloir, alors qu’il n’y en a jamais le ", raconte-t-il. Pourtant, la députée a bien failli ne jamais rentrer dans la prison. · 11 heures alors qu’elle s’apprête à embarquer sur le vol Paris-Strasbourg, son téléphone portable sonne. Au bout du fil, la directrice adjointe de la prison lui demande de se présenter avec une autorisation du parquet. Un document inutile puisque la loi fait obligation à l’Administration pénitentiaire de fournir un parloir à un député qui demande à rencontrer un détenu. Et, il faudra l’intervention de la présidente du groupe communiste au Sénat, Nicole Borvo, auprès du ministère de l’Intérieur pour débloquer la situation.

Une visite qui fait du bien à Ahmed. Il supporte mal l’isolement. " Je suis enfermé et seul 22 heures sur 24. Je suis seul pendant la promenade quotidienne dans une cour de cinq mètres sur trois. Pour discuter avec d’autres détenus, je dois me mettre à la grille. " Un démenti cinglant au vice-procureur de la République de Strasbourg, qui affirmait dernier : " Ahmed Meguini est détenu seul dans sa cellule mais rencontre les autres prisonniers durant la journée. " En réalité, durant la journée, Ahmed reste seul. " Je lis mon courrier, j’écris, je regarde un peu la télé. Avant, je recevais Libération, ce n’est plus le cas mais l’administration continue à me le facturer. Sûrement une erreur ", dit-il en souriant. Ahmed ne jette pas la pierre aux personnels de la prison. " Je suis traité avec beaucoup d’humanité, ce sont juste les conditions qui sont difficiles. Mais surtout je ne comprends pas pourquoi je suis en isolement. On me dit que c’est à cause de mes idées, mais ils ne connaissent pas mes idées. Il paraît que je suis pour la fermeture des prisons. En réalité je ne m’étais jamais posé la question ", explique-t-il.

Depuis qu’il est incarcéré, Ahmed est sous traitement médical, antidépresseurs et anxiolytiques. En un mois il a perdu près de 8 kg. Quand elle le regarde, Muguette Jacquaint a du mal à s’imaginer que le jeune homme ait pu agresser et briser le poignet d’un capitaine de police lors d’une manifestation. Ahmed nie d’ailleurs farouchement. " Je paie pour l’exemple, estime-t-il. Au tribunal on n’a tenu aucun compte des témoins qui affirmaient que je ne les avais pas quittés de toute la manif. On les a traités comme des menteurs. On n’a pas tenu compte des contradictions des policiers. Alors, lorsqu’on m’a ramené en cellule pour attendre le verdict, je savais que j’allais être condamné. " C’est pour cela qu’il ne veut pas faire appel. " Aujourd’hui, ce qui m’importe, c’est de sortir. Avec la préventive que j’ai déjà effectuée, il me reste quarante jours, peut-être moins si j’obtiens la conditionnelle. Alors, même si je suis innocent, je ne vais pas prendre le risque de lutter contre la machine judiciaire. J’ai déjà perdu une fois, je ne veux pas que cela se reproduise. " Pour l’instant, Ahmed tient le coup. " Les lettres que je reçois m’aident énormément. Des lettres bouleversantes d’émotion et d’amour. Je suis en isolement mais grâce à ces lettres, je rencontre des gens. J’ai rencontré Frédérique, Judith et bien d’autres. Des gens sans visages mais de vraies rencontres. Mes amis m’écrivent presque régulièrement ou m’envoient des mandats pour que je puisse acheter du sucre, des cigarettes, des produits qui améliorent le quotidien d’un prisonnier. Quand j’étais dehors, j’étais solidaire des victimes d’injustices, aujourd’hui je vis cette solidarité et j’ai le sentiment de recevoir plus que je n’ai jamais donné. "

Même en prison, Ahmed reste un militant généreux. Grâce aux moments de discussion volés lors des promenades il a rencontré Tayeb le sans-papiers. " Il ne veut pas être expulsé pour l’Algérie, au point que la dernière fois, il a avalé des lames de rasoir. Et, de lui, personne n’a jamais entendu parler. Lui aussi a besoin de solidarité. Il faut lui écrire. " Ahmed se prend la tête entre les mains pour réfléchir. " Il s’appelle Tayeb Belkey, numéro d’écrou 23 350, cellule A 124. Si vous pouvez faire connaître son cas ", dit-il à la députée bouleversée. Ahmed est inquiet aussi pour les dix-sept militants qui passent en jugement ce jour-là pour avoir occupé une annexe du ministère de la Justice à Strasbourg. Il a appris l’affaire grâce à un codétenu qui lui a fait passer des coupures de presse par la " gamelle ". Les dix-sept demandaient la fin de l’isolement pour Ahmed, ils sont accusés de séquestration. La disproportion le révolte. " Mais pour qui essaie-t-on de faire passer les militants. Pour des terroristes ? Pourquoi ne pas dire carrément "prise d’otage pour exiger la libération d’Ahmed Meguini" tant qu’ils y sont ? Je ne suis pas un criminel, les dix-sept sont des gens inoffensifs et tout le monde le sait. Envoyer le GIPN c’est pour faire dans le spectaculaire. C’est typiquement dans la politique de Nicolas Sarkozy. " Et de raconter : " Lorsque les policiers m’ont fait sortir du tribunal, j’ai cru que j’étais Ben Laden en personne. Ils m’ont menotté, jeté dans une 607, devant nous quatre motards ouvraient la route et une autre voiture de police fermait le cortège. · croire que je suis l’ennemi public numéro 1. Je ne suis pas un criminel, juste un militant. "

Avec Muguette Jacquaint, ils évoquent le cas de José Bové et d’Alain Hebert et cette " criminalisation de l’action militante ". La députée lui montre l’Humanité du 23 août où il est à la une sous le titre " enfermé pour l’exemple ". Il découvre avec émotion le message d’Alain Hebert qui affirme sa solidarité et souhaite entrer en contact avec lui pour développer le combat pour " la défense des liberté politiques et syndicales ". " Je suis complètement d’accord avec lui et moi aussi je lui fais part de ma solidarité. Nous avons des combats à mener ensemble. Òtre militant, c’est être citoyen, c’est agir pour le droit de cité. Aujourd’hui le pouvoir veut faire un amalgame militant-terroriste alors qu’on devrait valoriser l’aspect militant-citoyen. Mais quand on se bat démocratiquement pour contester le capitalisme et pour avancer des alternatives, on pose des problèmes. La criminalisation du militantisme n’est pas un hasard, c’est une volonté politique, estime-t-il. Je n’ai jamais partagé la vision de ceux qui manifestent masqués. Les cagoules ont une connotation lié au banditisme et à la violence. En porter, c’est entrer dans le jeu de ceux qui veulent criminaliser les militants. "

Avant de partir, Muguette Jacquaint lui demande s’il veut faire passer un message. Les yeux d’Ahmed s’emplissent de larmes : " Je n’ai pas encore osé écrire à ma mère. Je ne sais pas comment lui dire que je suis en prison. Pour l’instant elle est en vacances au Maroc. Peut-être qu’elle lira le journal. " Alors, sur un bout de papier il griffonne rapidement quelques mots qu’il confie à la députée. Dans le couloir qui le ramène vers sa cellule, " l’isolé " se retourne, comme pour profiter encore un peu de " l’extérieur ", et il lance à la députée : " Ta visite m’a fait du bien. "

Pour écrire à Ahmed : Ahmed Meguini, maison d’arrêt de Strasbourg, numéro d’écrou 25 375 g, cellule A 126, 6, rue Engelmann, 67200 Strasbourg.



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